La Restauration des Chefs d'Oeuvre
est Votre guide pour prendre soin des tableaux à l'huile
Une méthode simple pour préserver vos tableaux dans des conditions idéales
il vous explique :
- Comment concevoir un environnement sans risques pour votre tableau
- La manière d’accrocher votre tableau pour éliminer les risques de dommages matériels
- Conserver et soigner votre tableau de sorte à vous dispenser des charges onéreuses d’une conservation et d’une restauration professionnelles.
- Comment prendre soin de vos tableaux
- Prolonger la vie de vos tableaux
- Comment éviter toute détérioration de vos tableaux
- Comment soigner les tableaux sur toile, bois ou cuivre
- Vous apprenez l'histoire des tableaux à l'huile et des icônes à tempera du 12ème siècle à ce jour
Les titres de chapitre incluent:
Matériaux employés par les artistes des temps préhistoriques jusqu’à la Renaissance.
Exemples pratiques sur la manière d’examiner et de manipuler, sans risques, les tableaux anciens.
La manière pour éviter toute détérioration de vos tableaux
Quel est l'environnement le plus sûr pour vos tableaux ?
Quelles sont les facteurs qui favorisent la dégénérescence de vos tableaux?
Comment surveiller et éviter les contrefaçons ?
La Restauration des Chefs d'Oeuvre contient un guide pratique, dans les sept langues européennes principales, pour vous aider à apprendre les expressions les plus généralement utilisées dans le domaine de la conservation.
Extraits de La Restauration des Chefs d'Oeuvre ou (Les Temps Retrouvé)
Chapitre 10: La Conservation au Siècle Dernier
La période suivant la Première Guerre mondiale vit un regain d’intérêt pour la conservation. En France, elle fut secondée par les progrès de la science qui dispensa les moyens pour une étude approfondie de l’histoire des peintures et de leurs techniques d’exécution.
37 Fête champêtre, tableau de l’École flamande du XVIIe siècle. L’œuvre fut sciée en six morceaux afin de faciliter son départ discret d’Europe de l’Est après la Seconde Guerre mondiale.
DÜRER: LE PREMIER ARTISTE À ÊTRE ÉTUDIÉ AUX RAYONS X
Les toutes premières recherches, comme celles que menèrent Sir Humphrey Davy et Chevreul, portaient sur les couleurs et les pigments. La découverte de la photographie rendit possible l’utilisation de ce nouvel instrument pour l’étude des peintures des grands maîtres. Quelques-unes des premières expériences photographiques de Niepce et Daguerre allaient dans cette direction.
Les photographes tentèrent de reconstituer pour la première fois l’Agneau Mystique de Jan van Eyck en 1861. Les ailes du triptyque se trouvaient alors à Bruxelles et à Berlin tandis que le panneau central était demeuré à Gand. Le physicien allemand Röntgen, qui découvrit les rayons X en 1895, mit le résultat de ses travaux au service des beaux-arts. Dès 1896, il souligna l’absorption des radiations par les pigments de blanc de plomb habituellement contenus dans les peintures.
Un an plus tard, les scientifiques passèrent aux rayons X une peinture d’Albrecht Dürer et publièrent un article préconisant l’emploi de cette méthode d’investigation pour les œuvres d’art. Depuis lors, ce genre de recherche progressa en Allemagne et en France (sous l’impulsion de Ledoux-Lebart) ainsi qu’en Suisse à partir de la Première Guerre mondiale.
La fin de la Seconde Guerre mondiale vit également croître un vif intérêt pour la conservation des peintures de grands maîtres, ce qui stimula la recherche et le développement de techniques et de matériaux nouveaux. Cette prise de conscience fut la conséquence des destructions, dissimulations, négligences et vols infligés par la guerre. Plus tard, des catastrophes naturelles telles que l’inondation de Florence en 1966 qui détruisit le Crucifix de Cimabue, entraîna par nécessité, la recherche appliquée aux beaux-arts. La science se fit toujours plus présente, tant dans la nature même des matériaux utilisés en peinture que dans leur conservation.
COMMENT LES NAZIS S’EMPARÈRENT DE L’AGNEAU MYSTIQUE DE VAN EYCK
Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, les autorités retirèrent à la hâte d’importantes peintures sur bois telles que l’Agneau Mystique de Jan van Eyck, de leur lieu de conservation. Ces œuvres ont souvent souffert de ces déplacements successifs ainsi que des conditions médiocres dans lesquelles elles ont été entreposées.
L’Allemagne elle-même perdit une grande partie de ses trésors sous les bombardements. Au début de la guerre, le gouvernement se refusa à déplacer ces œuvres, espérant ainsi créer un sentiment de normalité et de sécurité pour les citoyens. Lorsque les alliés pilonnèrent les villes allemandes, nombreux furent les gardiens qui moururent en essayant de sauver les chefs-d’œuvre, les livres et les peintures de la destruction. Le gouvernement envoya par bateau plusieurs de ces trésors vers l’Est, notamment en Pologne, d’où ils ne revinrent jamais. Les soldats américains, à leur arrivée en Allemagne, s’emparèrent des œuvres réapparaissant occasionnellement. En janvier 1991, le gouvernement allemand paya 2.75 millions de dollars aux héritiers d’un soldat américain afin de récupérer les restes d’un chef-d’œuvre médiéval, le trésor de Quedlinburg, que ce dernier avait ramasser en Allemagne durant la guerre. Les fidéicommissaire découvrit le chef-d’œuvre volé dans la propriété du soldat, après sa mort.
En mai 1940, les autorités mirent en caisse l’Agneau Mystique et le placèrent pour sa sécurité dans la crypte de la cathédrale de Gand. Quelques semaines plus tard, ils l’envoyèrent au château de Pau, dans le sud-ouest de la France, non loin de la frontière espagnole. Le tableau commença alors à montrer des signes de détérioration : il se fissurait et s’écaillait. Les restaurateurs qui escortaient la toile tentèrent de lui donner les premiers soins en retenant les parties écaillées de la couche de peinture au moyen de papier de soie très fin et d’adhésif. En août 1942, les autorités allemandes le ramenèrent en Allemagne où il demeura au château de Neuschwanstein jusqu’à l’été 1944.
Là, les restaurateurs traitèrent une nouvelle fois les boursouflures de la peinture. Comme le pilonnage battait son plein, ils transportèrent l’Agneau Mystique, par mesure de sécurité, dans les mines de sel d’Alt-Aussee. Les autorités le rangèrent dans une pièce au plafond bas, cloisonnée avec des bois d’œuvre grossiers. Cette salle est connue sous le nom de Mineral Kabinett.34 Au cours de son séjour dans les mines de sel, lequel dura jusqu’en mai 1945, la détérioration s’accentua. Le restaurateur allemand Karl Sieber travailla sur le grand panneau représentant le personnage de saint Jean qui s’était fissuré sur toute la longueur. Si l’on tient compte de ses pérégrinations durant la guerre, la peinture était en bon état lorsque la IIIe Armée américaine la retrouva. Les conditions régnant à l’intérieur des mines de sel ont probablement contribué à protéger l’œuvre grâce à la constance de la température (7 degrés centigrades et une humidité moyenne de 70 pour cent). Ils acheminèrent par la suitela peinture au service central des collections à la section des Monuments, Beaux-Arts et Archives du SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force) à Munich. En août 1945, ils la renvoyèrent, par les airs, à Bruxelles. Après le retour de la peinture à la cathédrale Saint-Bavon à Gand, les autorités observèrent que la couche de peinture était fragile, qu’elle s’écaillait et que le vernis se dégradait.
En 1950, la Belgique décida de procéder à une restauration majeure du chef-d’œuvre. Cette décision stimula les personnalités éminentes du monde académique belge qui avaient toujours en mémoire les souvenirs vivaces de la controverse au sujet du nettoyage de la National Gallery de Londres en 1947 et d’un cas antérieur concernant une toile hollandaise, La Ronde de Nuit de Rembrandt. Les autorités décidèrent de ne pas laisser le choix des méthodes et des techniques ni aux conservateurs ni aux scientifiques qui seraient appelés à effecteur la conservation. Au lieu de cela, le gouvernement belge mit en place une commission internationale d’historiens de l’art et de membres de l’ICOM (International Council of Museums) pour étudier les moyens à prendre pour mener à bien une telle restauration. Ils furent probablement inspirés par le principe selon lequel la guerre (en l’occurrence la conservation) est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux généraux.
LA TECHNIQUE DE VAN EYCK RÉVÉLÉE
Ils entreprirent l’étude de l’histoire de l’Agneau Mystique, portant une attention particulière aux matériaux utilisés par Van Eyck. La commission effectua aussi un examen précis de l’état physique de la peinture. Elle désirait ainsi déterminer la nature et la cause de la dégradation afin d’établir la stratégie de la restauration à recommander. Les chercheurs découvrirent qu’en plus de la restauration menée au Cinquecento, l’artiste lui-même avait modifié la peinture, et notamment le pied d’Adam. Ils décelèrent des repentirs le long du dos, autour de la tête et des oreilles de l’Agneau dans le panneau central; ceux-ci apparurent lors de l’étude aux rayons X.
Bourdeau avait restauré la peinture en 1818. Lorent y avait travaillé en 1825 après que le grand incendie de septembre 1822 à la Cathédrale Saint-Bavon eût abîmé le chef-d’œuvre à l’arrière de la tête du Christ. Donselaer avait aussi apporté sa contribution entre 1858 et 1859. Au cours de cette restauration, il repeignit la mante bleue de la Vierge, précédemment endommagée. Il utilisa du bleu de Prusse et du bleu outremer dans des tons différents de ceux de l’original, et accentua les tons bruns de certaines parties, sans doute afin de dissimuler l’âge réel de la peinture. Des études antérieures35 laissaient sous-entendre que la taille de l’œuvre avait été réduite dans le passé.
La commission dut prendre en compte l’existence des repeints qui masquaient les couleurs originales ainsi que d’autres repeints qui contribuaient à la dégradation du chef-d’œuvre. La détérioration du vernis provoquait l’écaillage de la couche de peinture. On remarquait aussi dans l’harmonie des tons des déséquilibres évidents. Le lapis lazuli et l’azurite du ciel qui étaient parvenus jusqu’à nous pratiquement inaltérés contrastaient sensiblement avecles surfaces peintes à l’aide de résinate de cuivre, devenues brun foncé. Afin d’harmoniser les tons, les restaurateurs décidèrent de conserver les anciens repeints lorsqu’ ils ne dénaturaient pas le travail original. Ils allégèrent aussi une partie de l’ancienne couche de vernis jauni. Une étude des pigments adoptés par l’artiste révéla qu’il avait élaboré la robe de la Vierge à l’aide de trois couches d’azurite liées à un médium à l’huile. Par la suite, ilavait appliqué un glacis au moyen d’un lapis lazuli lié à un médium soluble dans l’eau. Entre les deux couches d’azurite, on trouvait un mélange d’azurite et de blanc de plomb. Van Eyck adopta probablement cette technique inhabituelle en raison de son coût peu élévé. Une étude en coupe et un passage aux rayons X des parties mineures dévoilèrent que des assistants les avaient peintes.
Le mauvais état du support de bois, remarqué par Karl Sieber en 1945, provoquait encore des fissures et accentuait la séparation des panneaux. Les chutes de peinture se poursuivaient aux endroits les plus fragiles du support, là où les fibres sont plus tendres. Le Professeur Phillipot, restaurateur responsable de l’opération, les traita en imprégnant les zones touchées d’un adhésif de résine de cire. Il s’aida de lampes infrarouges à 35-40°C et appliqua le même traitement au dos du support de bois. Les conditions ambiantes incertaines de la Cathédrale de Saint-Bavon n’en font pas un lieu de conservation approprié : sans air climatisé, la température et le taux d’humidité relative varient énormément selon les saisons et le moment de la journée. Les idées avancées par la commission internationale furent suivies par les restaurateurs. Ces recommandations définirent par la suite l’approche de la conservation par les musées du monde entier.
(34) L’Allemagne centrale est riche en mines de sel. Celles-ci furent organisées en lieux de protection des œuvres d’art pendant la Seconde Guerre mondiale car elles présentaient moins de risques que les zones frontalières. À la fin de la guerre, cette région fut intégrée à la R.D.A., ce qui ralentit le rapatriement des trésors artistiques, incluant des archives, des collections d’objets ainsi que des peintures appartenant aux musées.
(35) Hermann Beenken, in The Ghent van Eych re-examined, The Burlington Magazine, Vol LXIII (1933) pp. 64-7
Édition de luxe cousue caisse - 160 pages, format 30 x 22 cms (11 1/2 x 8 1/2 inches) ISBN Version française 2-922745-05-8. Publié au Canada par Valiquette Éditeur, Sainte-Elisabeth d'Autray, Quebec, Canada J0K 2J0 valiquette.editeur@bellnet.ca